Compte-rendu grand trail des templiers 2016

Ce dimanche 23 octobre 2016 restera gravé dans ma mémoire pour très longtemps. J’en retiendrai avant tout du plaisir et de la fierté d’être aller au bout.  Mais je ne pourrai pas non plus occulter la souffrance que j’ai choisie de m’infliger.

Un début de course très agréable

L’aventure démarre à 6h du matin avec un départ solennel donné au son de la musique « Améno » de Era. Le bal des frontales est impressionnant !

Je prends un départ assez rapide pour me placer correctement avant la première montée un peu étroite. Cette première partie est très roulante et agréable à parcourir de nuit. Les pistes sont larges mais il faut quand même être attentif pour ne pas se tordre la cheville.

Je me sens parfaitement libre d’aller à mon rythme jusqu’aux véritables premiers bouchons qui se situent au niveau du premier single au 20ème kilomètre. Une belle descente glissante et technique que je suis frustré de ne pas pouvoir faire à mon rythme ! Mais tant pis, nous arrivons assez vite au beau village de Peyreleau où je suis impressionné par la ferveur de la foule. J’en ai des frissons mais je n’oublie pas de bien me ravitailler. Je me sens au top et pointe en 732 ème position.

Nous attaquons ensuite la bonne montée du ravin de Malbouche où les bouchons continuent. Je ne cherche pas à doubler mais à m’économiser et je me concentre pour faire le minimum de pas superflus. Je relance ensuite sur la longue portion roulante pour rejoindre le ravitaillement de Saint André de Vézine au kilomètre 33 où les accordéonistes donnent l’ambiance ! Je me sens toujours au top même si la cuisse gauche commence un peu à me tirer. Je suis 765 ème.

Le début du calvaire

Et puis la douleur va finir par gagner le côté du genou gauche vers le 38ème kilomètre, un peu plus forte à chaque foulée. Je suis obligé de ralentir et même d’alterner avec de la marche rapide avec les bâtons, ce qui diminue la douleur. J’essaye quand même de profiter du magnifique cadre, notamment le village moyenageux de Montméjean. Mais ça commence à sérieusement gamberger dans ma tête

Et puis comme un malheur n’arrive jamais seul, je connais un premier coup de bambou, sûrement le fameux « mur » où les réserves initiales de glycogène sont épuisées. Préoccupé par ma blessure, je me suis un peu laissé aller et j’ai négligé mon alimentation. Je souffre dans la remontée sur les falaises du Rajol mais j’essaye de positiver en me disant que je pense moins à ma douleur.

Pour moi qui suis bon descendeur, je prends encore un petit coup au moral en voyant que je me fais doubler par plusieurs coureurs dans la descente vers la Roque Sainte Marguerite. Mais je m’accroche en essayant de maintenir le rythme en fléchissant le moins possible le genou gauche, penché vers l’avant, le poids du corps au maximum sur les bâtons.

Je parviens ainsi au point d’eau de la Roque Sainte Marguerite au km 43,6.  Je choisis de m’assoir quelques minutes pour me réhydrater et faire le point. Malgré mes pépins, je pointe tout de même en 798ème position. Mais que je me sens seul…

En me relevant, la douleur est encore plus vive et je ne peux quasiment plus m’appuyer sur ma jambe gauche pendant une centaine de mètres. A ce moment-là, je me dis que c’est terminé pour moi, c’est sûr. Mais je veux faire un dernier baroud d’honneur et terminer la montée qui me mène à Pierrefiche pour rejoindre le 3ème ravitaillement.

Il me faudra près d’une heure pour faire 3,8 km et 350 mètres de dénivelés. Pendant cette période, Je sors totalement de ma course. J’essaye de me convaincre que je dois abandonner. Je m’attendais à souffrir de fatigue, maux de ventre, douleurs musculaires… mais pas à devoir courir sur une jambe et demi pendant plus de la moitié du parcours. Ma petite voix intérieure me parle. Pourquoi t’infliges-tu autant de mal ? Est-ce vraiment cela que tu es venu chercher en venant à ce trail ? Stop, c’est stupide tu vas aggraver ta blessure. Alors on arrête tout et on reviendra une prochaine fois.

Le refus de l’abandon, plus fort que tout

J’arrive au ravitaillement de Pierrefiche et je m’assois plusieurs minutes. Je suis désormais 897ème à ce pointage. Et là, je ne sais plus exactement ce qu’il se passe dans ma tête. Je crois que je pense à tout ce que j’ai fait pour en arriver là, à tous ceux qui me soutiennent et qui pensent à moi. Et puis il y a la ferveur de tous ces gens au bord de la route.  « Vas-y Jérôme, lâches rien » « Allez Jérôme on est avec toi » (ils voient le prénom sur le dossard). J’ai envie de continuer à me nourrir de ces encouragements. Je croise aussi une connaissance qui prend de mes nouvelles. Je lui dis que j’ai mal, que je ne vois pas comment je vais pouvoir aller au bout. Il me réconforte et me dit de ne pas lâcher.

Ma décision est prise : tant que je peux avancer, je ne m’arrêterai pas. Je ne sais pas jusqu’où j’irai mais on verra bien. Je repars en boîtant, les larmes me montent aux yeux mais je m’accroche. Je me dis que je suis capable d’aller au bout en marchant vite, j’ai suffisamment d’avance sur la barrière horaire. Finalement, c’est comme une grosse randonnée qu’il me reste à faire et j’en ai une grosse expérience cette année.

Avec le recul, je crois que je sais très bien au fond de moi que cette douleur au genou ne m’est que trop familière. Malgré tous mes efforts depuis plus d’un an, ce maudit syndrome de l’essuie-glace m’aurait donc rattrapé ! Et ce sera effectivement confirmé par mon kiné comme je le raconte dans l’article mon dernier combat de l’année.

Pour enfoncer le clou, je prends une décision délicate et discutable : prendre un Ibuprofène pour calmer la douleur. A court terme, cela va sûrement amenuiser la douleur. Mais l’effet à moyen terme, conjugué à la longueur de l’effort, peut être dévastateur sur le plan digestif. Je le reconnais : j’ai joué avec avec le feu ! Et je vais me brûler, forcément.

grand trail des templiers 2016

Une nouvelle course commence

Je lâche totalement prise et je profite des paysages et de l’environnement. Je suis désormais complètement en mode randonnée rapide, ce qui ne m’empêche pas de doubler quelques coureurs en difficulté dans les faux plats ! Je suis désormais persuadé que je vais aller au bout avec cet état d’esprit alors qu’il y a moins d’une heure j’étais au bord de l’abandon. Je prends même le temps de faire quelques photos avec une vue magnifique sur la vallée.

Mais ce serait évidemment trop facile si on en restait là. La fatigue, conjuguée aux effets secondaires de l’ibuprofène, vont me provoquer d’intenses douleurs gastriques. Je ne suis plus capable d’avaler quoi que ce soit depuis plus d’une heure. Au bout d’un moment, je suis obligé de m’arrêter dans la descente de Massebiau qui me paraît interminable. Je ne vous fais pas un dessin sur l’objet de mon arrêt… Et puis comme rien ne va, la douleur au genou s’est intensifiée.

J’arrive dans le dur au ravitaillement en eau de Massebiau mais je suis une nouvelle fois réconforté par les énormes encouragements de la foule. Je prends le temps de taper dans la main des nombreuses personnes qui me tendent leur main. Je n’ai pas tant dégringolé que ça avec une 1033ème place c’est assez incroyable même si je m’en fous complètement sur le moment.

Le plus dur est fait…

La montée au ravitaillement du Cade est rude avec ses 3,4km et 469 D+. Mais je suis loin d’être le plus mal en point. Je croise de nombreux coureurs arrêtés, allongés. Au bord de l’hypoglycémie (j’ai toujours des soucis gastriques), je parviens tant bien que mal à avaler une « pom’pote » piquée à mon fils 🙂
Et en un peu plus d’une heure, je rejoins le dernier ravitaillement. Je prends le temps de m’assoir au coin du feu. Je bois un coca et mange quelques bouts de fromage et quelques morceaux de bananes. Je sais désormais que le plus dur est fait. Je repars tranquillement et je prends le temps de discuter avec quelques coureurs. J’ai un regain d’optimisme et je me fais plaisir sur une descente très engagée où je ne ressens quasiment aucune douleur au genou.

montée trail des templiers

Mais la fin réserve des surprises !

La dernière montée est assez terrible et très raide. C’est parfois à la limite de l’escalade même si je m’appuie le plus possible sur mes bâtons. Mais je suis malgré tout obligé de pousser un minimum sur ma jambe gauche qui est parfois pliée à 90° ce qui majore la douleur. Pour ne rien arranger, je ressens l’envie de vomir dans cette dernière montée ! Mais j’arrive tant bien que mal à la grotte du Hibou, superbe passage qui symbolise la fin du D+ et l’attaque de la descente finale.

Je m’arrête pour rallumer la frontale. La dernière descente est glissante et technique avec de nombreuses mains courantes. Je brûle d’envie de lâcher les chevaux pour terminer mais je me dis que j’ai assez joué avec mon corps pour aujourd’hui. Alors, je patiente tranquillement derrière les coureurs peu à l’aise.
La fin est une formalité avec un petit faux plat où je parviens à relancer tranquillement sans forcer.

arrivée Millau

Je prends le temps de regarder la foule qui borde la ligne d’arrivée. Je passe la ligne en 13 heures et 31 minutes, en 1066ème position, sans trop me rendre compte de l’instant exceptionnel que je viens de vivre !! Je suis finisher du grand trail des templiers 2016!

15 commentaires à propos de “Compte-rendu grand trail des templiers 2016”

  1. Wouaw quelle aventure et quels rebondissements! Tu devais vraiment avoir une sacrée motivation d’être finisher pour ne pas avoir abandonné!
    Je pense qu’il y’ a douleur et douleur mais c’est vrai que tu as plutôt joué avec le feu au vu de ta douleur de genou 🙁 J’espère que ton TFL n’a pas trop souffert au point d’avoir crée une nouvelle tendinite.. Je suis bien placé pour en parler malheureusement.
    Dernier mot, félicitations!

    Stéph

    • Salut 🙂
      Je suis un peu maso je pense car c’est vraiment un pur bonheur que d’avoir réussi à aller au bout de cette aventure. J’aurais eu trop de regrets…
      Comme tu le dis il y a douleur et douleur et j’ai bien senti, quelque part, qu’il « y avait moyen » comme on dit!
      Mais je serais incapable de revivre cette souffrance avant longtemps!
      Comme tu le suggères, on va tout de suite calmer l’inflammation avec le protocole adhoc pour ne pas laisser traîner.
      Merci!

  2. Un grand bravo Jérome, je suis impressionné par la volonté et le courage dont tu as fait preuve. Respect. J’imagine l’envie et la force mentale qu’il t’a fallu pour aller au bout, félicitations. Je te souhaite de récupérer le plus rapidement possible.

    Xavier

    • Merci Xavier. La force de l’envie et du mental, quand on fait des choses auxquelles on trouve du sens, est assez incroyable. Bon maintenant on va être raisonnable pour les prochaines semaines 😉

  3. bonjour jerome

    Un grand bravo , je me suis régalée à vous lire quelle aventure et quel courage.Je cours seulement 10 kms de temps en temps mais le trail me tente ….Au plaisir de vous lire.

  4. bonjour jerome

    Un grand bravo , je me suis régalée à vous lire quelle aventure et quel courage.Je cours seulement 10 kms de temps en temps mais le trail me tente ….Au plaisir de vous lire.

  5. Encore bravo pour l’exploit! Etre finisher sur ce type de parcours EST un exploit! Mais une question que tarabuste, c’est ta tendinite. Tu ne parles pas de l’après et cela m’intéresse. En effet j’ai expérimenté le TFL en débutant la CAP l’an passé. Suite à ce problème j’ai arrêté 3mois pour que la douleur s’éloigne. J’ai repris il y a quelques mois et je progresse mais je sens la douleur sourdre, notamment en compétition. Mais maintenant, je fais avec. La gène arrive à 6km, je modifie la cadence, la foulée pour moins la ressentir. La douleur disparaît au 8e jusqu’à la fin. Ensuite je glace, repos 3 jours et cela (semble repartir). Je n’ai pas tenté plus de 15km où la douleur semblait m’indiquer que je prenais un risque!
    Ressens tu encore ton TFL?

    • Bonjour Pascal.

      Ah ce maudit TFL je compatis !!

      Alors depuis les Templiers 2016, j’ai eu une toute petite rechute après la Saintélyon en décembre 2018.

      Mais je l’ai vite éradiqué, notamment grâce à mon kiné.
      Depuis, pas de rechute… j’ai fait l’UT4M Challenge sans encombre.

      Je fais souvent de l’automassage avec un rouleau, plus de renforcement musculaire,… je sais pas ce qui aide vraiment mais je joue sur plusieurs leviers. J’espère être tranquille mais j’aurai toujours cette petite crainte de rechute, forcément un peu plus ce week-end.

      Bon courage!

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