Il est 14h40 en ce dimanche 21 octobre. Il ne me reste plus que 7,5 km et 370 m de d+ à parcourir sur les 78 km et 3650 d+ ce très exigeant trail des Templiers. Je suis entrain de réaliser une jolie course. Mais cela fait près de 40 minutes que je n’en peux plus. Que je n’arrive presque plus à parler, que j’avance péniblement, que j’ai envie de m’allonger sur le bord du chemin et de rentrer chez moi. Le ressort mental semble cassé. Comment vais-je m’en sortir, je suis à bout de force ? Je vous raconte la suite dans mon récit du trail des Templiers 2018.
Le réveil sonne à 3h du matin ce dimanche 21 octobre après une nuit forcément très courte.
Après un bon petit déjeuner, il faut filer direction Millau pour le départ du trail des Templiers 2018.
Il fait un peu frais mais les conditions s’annoncent magnifique avec du beau temps sans toutefois atteindre des trop fortes chaleurs.
Comme le veut la tradition, le départ est donné au son de « Améno » du groupe Era.
Je ne suis pas très bien placé dans le sas de départ et je vais devoir passer cette première partie à me replacer en essayant de ne pas trop me griller pour la suite.
Le départ est donc donné à 5h45. Toute cette première partie de course se fera donc de nuit, à la lumière de la frontale jusqu’au premier ravitaillement de Peyreleau ou presque suivant le temps que je mettrai.
Un début un peu monotone pour se replacer
Le début du parcours a changé par rapport à 2016. Nous empruntons en effet essentiellement de la route au début puis de larges pistes forestières une majeure partie de ce premier tracé. Cela rend la course un peu monotone mais a le mérite de ne pas provoquer de bouchons et de permettre de remonter.
C’est donc plutôt mieux comme changement car la suite sera de toute façon magnifique. Je me concentre donc pour trouver un rythme. Je profite des premières pentes qui s’élèvent pour débuter ma petite remontée. Je me replace ainsi aux alentours de la 300ème place au kilomètre 10.
Pour le reste, je constate que les sensations sont moyennes : les jambes sont un peu lourdes et je me sens un peu endormi. Par moment, je suis interpelé par des petites douleurs à la cuisse : je repense forcément à mes déboires d’il y a deux ans et à ce maudit syndrome de l’essuie glace.
J’ai pris soin d’embarquer les genouillères ZAMST adéquates en cas de rechute mais je n’espère évidemment pas les sortir.
Mais l’arrivée du premier sentier monotrace, glissant et technique, va me sortir de ces pensées un peu négatives. Le jour se lève et nous nous dirigeons tout droit vers le premier ravitaillement. Je suis un peu ralenti par des coureurs dans mon avancée mais j’arrive en bonne forme à Peyreleau.
Les encouragements d’un public venu en masse me donnent autant de frissons qu’il y a deux ans. Cela fait 2h17 que je suis parti. Je suis 248ème au bout de 23,4 km et 764 d+.
Allez, on se réveille !
Il est ensuite temps d’attaquer la première grosse difficulté du jour : la montée du ravin de Malbouche. Je la réalise prudemment avec la volonté de garder ensuite des forces pour relancer. Ça se passe plutôt bien mais l’envie de dormir revient de manière insistante. Et surtout les jambes commencent déjà à brûler à l’approche de Saint André de Vézine.
Je ne m’affole pas mais je comprends que je ne suis pas tout à fait dans la forme que j’attendais. Il va falloir gérer car la course est encore longue.
Je suis 226ème au ravitaillement de Saint André de Vézine. Cela fait 3h48 que je suis parti et j’ai parcouru 35,4 km et 1474 m de d+. Pour tenter de me sortir de cet état un brin léthargique je prends un gel caféiné et un premier coca (dégazéifié).
Je repars prudemment pour aborder cette très belle partie qui nous mènera jusqu’à la Roque Ste Marguerite. Ça devient un peu plus technique, il y a du caillou, du rocher, il faut surveiller les appuis ! ça sent le sud cette partie et je prends le temps de prendre une photo sous une belle arche.
Je suis un peu moins bien dans la redescente. Je n’insiste pas car je pense à la prochaine difficulté : la montée à Pierrefiche. Il y a deux ans j’étais déjà en pleine souffrance avec mon genou et au bord de l’abandon au moment d’aborder cette courte mais raide montée.
Après un beau passage par les belles ruelles de la Roque Ste Marguerite, c’est donc parti pour la remontée sur le Larzac après 5h05 de course pour 46,2 km et 1743 m de d+ (206ème place).
C’est l’heure de sortir enfin les bâtons pour venir à bout assez facilement de cette montée. C’est presque un soulagement de marcher dans les pentes raide à la forces des bras avec mes jambes qui brûlent toujours autant.
C’est donc avec un bon moral que j’arrive à Pierrefiche pour le troisième ravitaillement. Je suis forcément un peu entamé mais je me sens prêt à entamer la très longue partie, toute en montagne russe, qui va mener jusqu’à Massebiau.
Le calme avant la tempête
Cette partie s’avère très longue mais plutôt agréable. Je mets peu à peu du rythme et je continue ma petite remontada car je me sens très bien, notamment grâce aux bâtons. Mais je vais commettre quelques petites erreurs qui, mises bout à bout, vont s’avérer préjudiciables pour la suite.
Je vais très peu me ravitailler pendant près de 2h (j’aurais dû prendre du coca ou un liquide énergétique au précédent ravito car je commence à avoir du mal à mâcher). Et je suis un peu trop enthousiaste en relançant de manière trop forte sur un très long faux plat de quelques kilomètres.
J’aurais mieux fait d’alterner avec de la marche dynamique avec bâtons, surtout que je suis très efficace avec cette technique. Pour couronner le tout, les intestins commencent à me faire souffrir dans la descente vers Massebiau…comme il y a deux ans où j’avais dû carrément m’arrêter pour me soulager ! J’aurais mieux fait d’en faire de même…
Je suis au ralenti dans cette longue descente, je ne peux pas faire parler mes qualités de descendeurs mais j’arrive tout de même en 182ème position à Massebiau. J’ai fait 67,9 km et 2 808 m de d+.
Le calvaire
Malgré les encouragements toujours aussi magnifiques, je me sens vidé et à bout de force. Je perds en peu en lucidité. Je ne pense qu’à une chose : rallier le prochain ravitaillement au prix d’une rude montée vers le Cade. Je tente de croquer une petite barre mais c’est difficile. Je réponds en bafouillant aux encouragements !
On dirait un zombie. Pourquoi je n’ai pas pris le gel énergétique à ce moment-là? Peut-être parce que j’ai peur que ça accentue mes douleurs au ventre.
Après 48 minutes de supplice, je rejoins enfin le Cade. Je marche sur les phases de replat et je me fais doubler c’est un peu dur. Au ravitaillement, je tourne au Coca je ne peux rien faire d’autre. Je m’assois quelques instants mais je me relève vite car sinon je ne repartirai jamais.
Je continue de marcher, j’ai envie de dormir, de m’allonger. C’est le vide total. Etre finisher coûte que coûte ne m’intéresse plus car je l’ai fait il y a deux ans. Pour une belle performance, ça semble terminé dans ma tête car je vais marcher jusqu’au bout. Je me fais doubler par près d’une vingtaine de coureurs.
Finalement, la seule motivation c’est que personne ne va venir me chercher jusque là ! Il faut bien se débrouiller pour rentrer. Un pied devant l’autre, une gorgée de coca par ci par là….
Un début de renaissance
Les pensées négatives commencent à s’éloigner, je pense à tout ceux qui me suivent et qui ne comprendraient pas que je jette l’éponge si près du but ! Et je revis quelque peu dans la descente qui force à s’engager un minimum. Pour la première fois depuis Massebiau, je double un coureur dans la descente. Plus personne ne me doublera jusqu’à l’arrivée.
Je ne relance toutefois pas dans les replats, plus par prudence que par manque de force. La difficile dernière ascension au Pouncho d’Agast se passe plutôt bien même si j’ai déjà fait des bien meilleures ascensions. Mais les douleurs au ventre me bloquent un peu et me pompent de l’énergie.
La partie glissante et technique menant à la grotte du Hibou va me permettre de reconquérir de nombreuses places. Après un court passage dans le noir de la grotte, il est maintenant tant de plonger vers Millau. Je suis euphorique dans la dernière descente, je comprends que je vais passer sous la barre des 10h30.
Je gère toutefois tranquillement pour atteindre cet objectif et apprécier à fond les derniers hectomètres. Je salue la foule et je laisse exploser ma joie !
10 heures 28 minutes et 34 secondes ! Je suis tout pile dans le top 200 malgré mon trou noir !
Analyse
Le trail des Templiers mérite vraiment sa réputation et laisse peu de répit. J’ai vraiment pris du plaisir même si j’ai souffert. Et j’ai surtout énormément appris. J’ai connu ma plus grosse défaillance jamais connue jusqu’alors et je l’ai surmonté. J’ai commis quelques petites erreurs qui vont m’aider à progresser.
Je pense que je me suis planté dans la gestion de l’alimentation pendant la course : pas de plan précis, pas assez de prises, notamment liquide. J’ai écrit un article pour parler de ces erreurs.
Je pense aussi que je suis arrivé un peu trop fatigué ou que j’étais prêt un peu trop tôt (mais c’est aussi le cas de beaucoup d’athlètes).
Enfin j’aurais surtout dû m’arrêter pour soulager mes intestins au lieu de tergiverser (c’est un vrai sujet ça!).
Mais cela n’altère pas mon plaisir et ma satisfaction de ce résultat. Être 200ème à une course de ce niveau, avec 2034 finishers et autant d’athlètes élites, c’est peut-être mon meilleur résultat en trail.
Et surtout, je ne me suis pas blessé au terme de cette longue saison. Ce maudit syndrome de l’essuie glace n’est pas revenu briser mes ambitions et c’est sûrement la meilleure nouvelle.
Qui veut voyager loin ménage…ses articulations. Il est temps maintenant de réduire le volume et de finir l’année en roue libre!
Bravo pour ce récit et cette arrivée!
Merci Pascal une belle chose de faite!!
Bravo et merci pour ton récit sa fait rêver
Merci Gaetan je suis content si ça peut inspirer.